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D’où vient l’engagement dans les Colos ?

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Ou Pourquoi les animateurs de colos sont-ils si mal payés

ou Pourquoi les animateurs de colos sont-ils si mal payés ?

CET ARTICLE FAIT PARTI DU LIVRE DE LA REGLEMENTATION ACM

L'image montre un panneau routier Attention Enfants avec une explication colonie de vacances

Étant assez présent sur les groupes d’animateurs de Facebook, je vois fleurir régulièrement des questions du type :

  • Être payé 30€/jour pour une colo, soit 2€/h vous trouvez cela normal ?
  • Pourquoi les animateurs en colo sont si mal payés ?

Souvent suivies des réflexions suivantes :

  • Nous avons d’énormes responsabilités;
  • C’est une mission très importante que de s’occuper des enfants;
  • S’occuper des enfants c’est un métier.
  • C’est vraiment de l’esclavage !

Fervent partisan de l’Education Populaire, je vais donner quelques pistes de réponse à ces reproches légitimes.

Aperçu historique des colos

Au plan historique, les colos -on parle maintenant de séjours de vacances- sont issues d’un vaste mouvement appelé Éducation Populaire.

L’éducation populaire

Cette Education Populaire, imaginée par Condorcet en 1792 s’est vue concrétisée, concernant les enfants, par l’émergence des Patronages. Patronages Catholiques au départ (dès 1799 à Marseille), puis protestants (1876) puis laïcs (à partir de 1866 fondation de la ligue de l’enseignement, premier patronage organisé en 1895).

Les patronages catholiques sont fondés par des ordres religieux ou des prêtres diocésains, les patronages laïques sont fondés par des instituteurs, les patronages protestants sont fondés par des pasteurs. Tous sont donc bénévoles.

Le public des premiers patronages est d’abord constitué de jeunes gens traînant plus ou moins dans les rues. Il s’agit alors plutôt d’une œuvre socio-éducative. La figure la plus connue en est Saint Jean Bosco qui était Italien.

Les premières colonies de vacances proviennent des chrétiens protestants, d’abord en Suisse en 1876, puis en France en 1881.

Naturellement les patronages laïcs ou religieux ont par la suite organisé des colos. La première colonie de vacances issue d’un patronage catholique en France est achetée en 1897.

Pour avoir dirigé un de ces patronages, voici le système de recrutement des animateurs : des animateurs, bénévoles, s’occupent des 7-17 ans, lorsque ces enfants ont atteint l’âge de la majorité et qu’ils sont toujours au patronage, ils deviennent naturellement animateurs.

Au fil du temps, les patronages sont devenus “Centres Aérés” puis “Accueil de loisirs”. Les “Colonies de vacances” sont devenues “Séjours de vacances”.

En 1907 le Scoutisme est fondé en Angleterre (1911 en France), l’Union Française des Centres de Vacances (UFCV) est fondée.

De nombreuses associations ont été fondées par la suite dans ce mouvement d’Education Populaire, toujours avec des bénévoles. Si bien que l’Etat a fini par nommé en 1936 un sous-secrétaire aux Loisirs et aux Sports, dépendant du ministre de la santé, un certain Léo Lagrange.

Les premières formations et réglementations

Dès 1943 est créé l’agrément associatif Jeunesse et Education Populaire. En 1965 apparaissent les premières règlementations.

En 1954 apparaissent les Diplômes d’Etat de Moniteur et de Directeur de Colonies de Vacances (Décret, Arrêté) qui deviendront le BAFA et BAFD.

En 1961 apparaît le congé des cadres de la jeunesse. Un congé de travail permettant de se former à l’animation ou à la direction. Il n’est pas un congé de repos (comme le congé de travail) mais un congé de formation, non payé mais considéré par l’URSSAF comme un temps de travail.

En 1964, l’Etat crée un diplôme professionnel : Le DECEP (Diplôme d’Etat de Conseiller d’Education Populaire) pour les services du ministère.

A partir de 1970 ces diplômes professionnels sont rejoints par le BASE (Brevet d’Aptitude à l’Animation Socio-Educative) et le CAPASE (Certificat d’Aptitude à la Promotion des Activités Socio-Educatives) pour les dirigeants des associations

En 1973, l’Etat modifie les Diplômes d’Etat de moniteur et directeur de colonies de vacances en un « diplôme » minimum donnant les bases de l’animation d’enfant pour ces bénévoles : le BAFA (Brevet d’Aptitude aux Fonctions d’Animateur) et son pendant pour la direction : le BAFD (Brevet d’Aptitude aux Fonctions de Direction). Le BAFA, est souvent considéré comme un diplôme professionnel, alors qu’il ne représente qu’un mois de formation (stage pratique inclus).

La Convention Collective Nationale de l’Animation socio-culturelle voit le jour en 1988. Elle contient déjà le contrat dit « Annexe 2 » qui deviendra plus tard le Contrat d’Engagement Educatif.

La Filière Animation de la Fonction Publique n’est créée qu’en 1997.

Qu’est-ce que le Contrat d’Engagement Educatif ?

Le Contrat d’Engagement Educatif (CEE) est un contrat de travail dérogatoire au droit du travail sur plusieurs points.

Contrairement à son prédécesseur, le contrat Annexe 2 (qui se trouvait dans la convention collective), le CEE est inscrit, non pas au Code du Travail mais au Code de l’Action Sociale et Familiale.

Ce contrat, réservé aux seuls volontaires, permet de pouvoir indemniser pour leur engagement en faveur de l’éducation de la jeunesse, les animateurs, directeurs ou formateurs. Il ne s’agit donc pas d’une paye, au sens du droit du travail mais plutôt d’une indemnité.

Ce contrat, pour garder sa spécificité de volontariat, est limité à 80 jours par an (sur les 12 mois écoulés) et l’indemnité minimum journalière est fixée par la loi à 2,2 heures de SMIC. Cependant les employeurs sont libres de donner une indemnité plus forte.

Le CEE est interdit pour les classes découvertes car il s’agit d’activités organisées dans le cadre scolaire. Les animateurs de classes découvertes doivent donc signer un Contrat à Durée Déterminée.

Le budget comparé d’une colo

Mes calculs sont basés sur les données suivantes :

  • séjour de 14 jours
  • 48 enfants de plus de 6 ans
  • Nombre d’animateur minimum : 4 et 1 directeur
  • Pas de personnel technique ni de cuisinier
  • Les animateurs, en CEE, recoivent 30€/j, le directeur 40€/j
  • Coût des repas : 6€/jour/personne
  • Coût des activités : 10€/jour/personnes
  • Coût matériel péda : 5€/jour/enfant
  • Coût de transports pour la colo : 2000€
  • Coût d’hébergement : 10€/nuit/personne
  • Pour la partie CDD, le directeur est payé 11€/h brut, les animateurs 10,03€/heure brut . Il est tenu compte des 10% de CDD et de congé. Le nombre d’heures maximum est de 48 h/semaine. Le temps de surveillance des enfants est fixé à 15h/jours.
  • Les coûts salariaux incluent les cotisations URSSAF de l’employeur
CDDCEEAU PAIRBENEVOLE
Nbre de directeur(s)3111
Nbre d’animateurs9444
Nbre total de personnes sur le séjour60535353
Coût directeur pour l’employeur3592.3820,4204,40
Coûts animateurs pour l’employeur13102,21909,2162,20
Budget repas5040445244524452
Budget activités8400742074207420
Budget matériel péda3360371037103710
Frais d’hébergement7800742074207420
Frais de transports2000200020002000
TOTAL43294,527731.625368,625002
TOTAL/ENFANT901,96577,74528,51520,875
Combien de parents peuvent payer un séjour à 902€ pour 14 jours ? Seulement les très riches (qui ne se contenteront pas d’activités à 10€/jour) ou ceux qui reçoivent une prise en charge (CAF, Comités d’Entreprises, …) Les frais d’hébergement, de restauration, d’activités, sont pris en charge par l’employeur, en plus des 30€/jours. Ils ne sont certes pas considérés comme des avantages en nature (sauf pour les animateurs et directeurs au pair ), mais si on les comptait comme tel :
  • Repas : 6€ x 14 = 84€
  • Activité : 10€ x 14 = 140€
  • Hébergement : 10€ x 14= 140€
  • Indemnité : 30€ x 14 = 420€
  • TOTAL / JOUR : 56€
  • Transport (2000/53) : 37,75€
En réalité, un animateur coûte 821,75€ pour 14 jours (sans compter les cotisations patronales), soit 58,69€/jour.

Peut-on vivre de l’animation ?

Il faut bien reconnaître qu’il n’est pas possible de vivre en ne faisant que des colos.

Si l’on veut vraiment pouvoir vivre de l’animation, il faut travailler toute l’année et à temps plein, c’est à dire en faire sa profession. Ces postes existent dans les Accueils de Loisirs périscolaires et extrascolaires et devraient correspondre à des diplômes professionnels.

Quels diplômes pour les professionnels ?

Étant entendu qu’il y a autant d’écart entre un BAFA et un BAPAAT qu’entre le PSC1 et le diplôme d’Aide-Soignant, les textes réglementaires rappellent régulièrement que le BAFA et le BAFD sont des diplômes de l’animation volontaire (donc non professionnels).

Pour les diplômes professionnels du coté Jeunesse et Sports, nous trouvons :
  • Le CPJEPS (Certificat Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et des Sports), diplôme reconnu au niveau CAP/BEP, qui a pris la suite du BAPAAT (Brevet d’Aptitude Professionnelle d’Assistant Animateur Technicien);
  • Le BPJEPS (Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et des Sports), diplôme reconnu de niveau BAC;
  • Le DEJEPS (Diplôme d’Etat de la Jeunesse, de l’Education Populaire et des Sports), reconnu de niveau BTS/BAC+2, qui succède au CAPASE;
  • Le DESJEPS (Diplôme d’Etat Supérieur de la Jeunesse, de l’Education Populaire et des Sports), reconnu de niveau LICENCE/BAC+3, qui succède au CAPASE.

Par ailleurs, il existe une foule de diplômes, fonctions ou titres permettant d’être reconnu comme animateur titulaire d’une qualification ou directeur titulaire d’un qualification. 59 autres diplômes professionnels sont reconnus pour les animateurs, 58 autres diplômes professionnels sont reconnus pour les directeurs.

Eric FALCON

Eric FALCON

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